Hier je vous partageais une photo prise lors de l’évacuation de Fort McMurray. Cette photo m’a profondément touchée et m’a donné l’élan pour écrire cette série de trois articles.
Voici donc aujourd’hui le deuxième de trois.
Avant d’aller plus loin dans mon partage, j’ai une histoire à vous raconter.
Imaginons le scénario suivant:
Vous êtes propriétaire d’une magnifique maison où vous avez habité avec votre famille durant plus de quarante ans. C’est vous qui avez choisis les boiseries travaillées de mains d’artisans chevronnés, les meubles de grande qualité et c’est vous qui avez travaillé à la sueur de votre front afin que le terrain regorge de fleurs, d’arbres et de plantes que vous avez collectionnez et pris soin depuis plus de quarante ans.
Malheureusement, vous devez quitter le pays et vous décidez, parce que cette maison vous tient à cœur et que vous rêvez de pouvoir venir y habiter de nouveau éventuellement, de louer et de confier votre domaine à une famille qui vous a été recommandée par un confrère de travail qui travaille avec les parents. Éduqués, ingénieux et intelligents, ils sont tombés en amour avec votre propriété. Vous êtes content parce qu’avec le coup de foudre qu’ils ont eu pour votre maison et son terrain, vous êtes certain qu’ils en prendront bien soin. Vous avez mis tellement de temps et d’énergie afin de rendre votre propriété verte, accueillante et confortable…
Après de longs mois d’absence outre-mer, vous passez dans le coin et décidez de leur rendre visite. Ce que vous constatez vous fige sur place.
Non seulement ils n’ont pas pris soin de votre domaine, mais ils l’ont détruit. Toutes les plantes et arbres ont été arrachés. Toutes vos précieuses boiseries ont été utilisées pour alimenter les feux de camp du vendredi soir. Vos meubles sont ruinés, sales, déchirés et brisés au-delà de la possibilité de les réparer. La maison est dégoûtante, de nombreux murs sont remplis de trous, les rideaux sont en grande partie déchirés et partout la saleté et la crasse règnent en maîtres. Vous êtes anéanti. Vous vous promenez dans la maison, constatant que pièces après pièces l’ampleur des dégâts est la même. Vous êtes furieux, et avec raison. Tout en continuant votre inspection des lieux, vous décidez sur le champ que vous les expulserez le plus rapidement possible.
Rendu au bout du couloir du deuxième étage, vous arrivez à la dernière pièce, la petite chambre du fond. Quelque chose vous semble différent. Vous ouvrez doucement la porte et constatez qu’il s’agit de la chambre de la petite benjamine de cette famille. Curieusement, sa chambre est magnifique. Propre, bien entretenue, avec toutes ses boiseries intactes, ses meubles en bon état, etc. Les questions se bousculent dans votre tête. Vous vous apprêtez à refermer la porte quand vous entendez de petits pas derrière vous et une petite voix qui vous dit: « Est-ce que tu la trouve belle ma chambre? »
Vous ne savez trop quoi répondre à cette jeune enfant qui vous regarde. Bien sûr que cette chambre est magnifique! Mais comment se fait-il que c’est l’unique pièce de la maison qui soit dans cet état? En parlant avec la petite fille vous apprenez qu’elle est la seule de sa famille pour qui les lieux où ils vivent et la responsabilité de l’état dans lequel ils les maintiennent ont de l’importance. Elle continue en expliquant que pour ses parents et ses frères et sœurs plus âgés, seul le gain immédiat et le bon temps instantané importent.
Elle vous explique que les plantes ont été arrachées et vendues pour que ses frères puissent s’acheter un quatre-roues (c’est d’ailleurs ce qui a détruit la pelouse…); les arbres ont été coupés parce qu’ils faisaient de l’ombre qui empêchait ses sœurs de se faire bronzer; l’intérieur de la maison est dans cet état délabré parce que ses parents étaient trop occupés avec leur entreprise pour réaliser que leur petit paradis sur terre se dégradait à une vitesse de plus en plus folle, principalement à cause de trop nombreuses fêtes de débauche que les aînés organisaient.
Mais vous, vous savez que curieusement, leur entreprise fleurit! Vous comprenez qu’ils étaient tellement occupés à y veiller qu’il ne voyait plus leurs enfants et l’environnement dans lequel ils vivaient.
En apprenant tout ça, vous vous êtes laissez glisser le long du mur et vous êtes là, assis par terre, sans mot. Doucement la petite fille prend votre main et vous dit: « Je sais que vous allez nous demander de partir et c’est correct. Je comprends. C’est toujours ce qui finit par arriver quand nous louons une maison. Mais c’est dommage, je l’aimais bien moi votre maison… » et sur ces mots, elle tourne les talons et détale.
La suite est facile à deviner. Vous avez envoyez un avis d’expulsion aux parents qui ne semblaient pas comprendre ce qui vous mettait hors de vous comme ça. Pour eux, tout ça se rebâtit, il n’est pas nécessaire d’en faire tout un plat…
Quelques semaines plus tard, alors qu’ils viennent de quitter, vous retournez sur les lieux. Plus rien ne sera comme avant. Les dégâts sont trop grands…
…
Mais pourquoi vous raconter cette histoire? C’est quoi le lien avec Fort McMurray?
C’est que nous les humains, du moins la grande majorité d’entre-nous, sommes les pires locataires que la Terre peut avoir. On trouve ça horrible quand des catastrophes arrivent mais on a la fâcheuse tendance de se déresponsabiliser et de croire que nous n’avons rien à voir avec les colères de la nature.
Si la Terre était propriétaire et nous ses locataires, nous aurions déjà été expulsés non?
On tire son jus, on rase ses forêts et on tuent ses animaux, tout ça les yeux fermés.
Et ensuite on pleure quand elle se fache….
Pfffff….
J’en garde pour demain. Pour le dernier article de cette série.
À+
Mariepierre