De quelle couleur est mon chemin?

Ce billet a tout d’abord été publier en mode privé auquel seules les abonnées de l’infolettre avaient accès. Presque deux mois plus tard, je sens qu’il est juste de le rendre public.

J’ai hésité sur le comment raconter cette tempête. Le sujet de départ est assez délicat et je n’ai pas encore tout à fait fini de comprendre où je m’y positionne. Sauf que je sais bien que je ne suis pas toute seule à le vivre et que si ça peut aider, même juste une personne, alors ça vaut le risque d’en parler.

Avant d’aller plus loin, je te demande deux choses.

1. Avant de te positionner, s’il te plaît lis jusqu’au bout.
2. Et si tu as des questions ou des grincements de dents en me lisant, sens-toi très à l’aise de m’écrire en privé pour qu’on en discute de cœur à cœur. (Les commentaires sont exceptionnellement désactivés pour ce billet.)

Voici tout d’abord quelques points à savoir pour te mettre en contexte :

1. L’appropriation culturelle est un sujet qui m’habite depuis très longtemps (avant même que je sache que ça s’appelait comme ça).

2. Même si j’ai des ancêtres ojibwe-anishinaabe, je suis consciente du privilège qui vient avec ma couleur de peau et avec l’environnement dans lequel j’ai grandi.

3. Même si je parcours l’invisible et suis en lien direct avec certains de mes ancêtres lointains ainsi qu’avec des connaissances et bagages ramenés d’expériences hors de cette incarnation, je me demande souvent si j’empiète sur le territoire de ces âmes qui ont choisi dans cette vie-ci de s’incarner en tant qu’autochtones. C’est d’ailleurs une des raisons principales qui fait que je ne crée plus de bâtons de parole et que j’utilise très rarement la sauge blanche en smudge.

Toujours est-il que mardi dernier, en me promenant sur Instagram, je suis tombée sur une publication parlant d’une autochtone de l’Ontario qui avait dénoncé deux blanches organisant des cérémonies autochtones en chargeant un frais pour le faire. J’ai lu avec attention ce post parce que s’il y a bien quelque chose qui m’écoeure profondément ce sont les blancs qui « jouent aux indiens ». Jusque-là j’étais ok mais ça s’est gâté en lisant les commentaires (oui je sais, c’est souvent la pire chose à faire sur les réseaux sociaux…). Pour te donner une idée et surtout pour mettre en contexte ce que ça a déclenché en moi, je partage ici un de ces commentaires dont j’ai fait une capture d’écran.

Et il y en avait des biens pires (dont entre autre que les femmes blanches occidentales sont les pires vipères…). Je crois comprendre d’où ça vient et je sais qu’on a tous le droit de s’exprimer et qu’à cette période de l’humanité la guérison passe par faire sortir le pus des blessures avant de pouvoir les panser.

Sauf que sur le coup, ces mots sont venus peser sur certaines de mes blessures, celles de la « non-conforme », celle qui se remet trop en question, celle qui veut être juste dans ses choix et celle qui ne sait quoi faire de toutes ces belles racines qui l’habitent et la passionnent.

Tu imagines bien que quand quelqu’un taponne dans tes blessures et pèse sur ton point sensible, la réaction n’est pas très loin. Avec le recul, je revois la scène et peux discerner le rôle qu’y ont joué différentes parties de moi. J’ai disséqué tout ça en six tableaux, question d’y voir un peu plus clair.

Les six tableaux de ma tempête

Premier tableau. Il n’a duré que quelques minutes et c’est là où la peine et le mal de cœur se sont amplifiés, au fur et à mesure de ma lecture des commentaires. C’est l’Enfant en moi et la Mariepierre Douce qui ont reçu ça en pleine gueule. Pourquoi ces deux-là? Parce que ma Petite Fille intérieure est celle qui, main dans la main avec ma Chamane intérieure, travaille fort pour que je partage ma médecine. C’est elle aussi qui est profondément captivée par la Terre et ses nombreuses médecines. Et la Mp Douce tant qu’à elle, aimerait dont que la douceur recouvre la Terre et que tous puissent être en paix, en eux et entre eux. Bref, ces deux Mp étaient effondrées.

Deuxième tableau. C’est là qu’a surgi en rugissant la Réactionnaire, avec comme but premier de protéger et défendre l’Enfant et la Douce. Sauf que la Réactionnaire ne fait pas dans la demi-mesure… Son chahut a fait apparaître la Bouncer-Bikeuse qui s’est empressée de mettre Petite Fille et Douce à l’abri. La Réactionnaire était vraiment déchaînée et se voyait déjà faire un grand feu avec tout ce que je possède qui a trait de près ou de loin aux Premières Nations. Sa logique? Pas tant une explication logique que quelque chose de très viscéral, genre « Tu veux pas que je m’intéresse à ta culture? Check-moi ben aller. Y’en restera pu une trace chez-nous une fois que je vais avoir terminé. » Sérieux, je la sentais faire un inventaire mental de ce que je possède qui pouvait avoir un lien (de près ou de loin) avec tout ce qui est « Native ». J’avoue que l’envie m’est venu de la laisser faire, de la laisser sortir tout ça de chez-moi en me disant qu’anyway ma vie serait peut-être plus simple si je faisais dans le plus « normal ».

C’est là que j’ai spontanément dessiné ceci.

Troisième tableau. Est entrée en scène ma Chamane accompagnée de ma Vieille Sage, celle qui me suit depuis la nuit des temps, celle qui sait, celle qui sent, celle qui apaise et tranche. Sa présence a calmé un peu la Réactionnaire et ses envies de rébellion radicale. La Vieille Sage lui a donné un premier mandat, faire un grand ménage des comptes Instagram auxquels j’étais abonnée. Au bout d’environ une heure, nombreux avaient été supprimés et d’autres mis en sourdine. Un certain soulagement s’installait mais ma Réactionnaire n’était pas calmée pour autant. J’ai donc écrit, écrit et écrit, la Réactionnaire défilant une foule d’idées, considérant même me raser les cheveux hahaha! La preuve :

En fait ce n’est pas si rigolo qu’elle ait pensé à ça parce qu’elle sait bien que me raser les cheveux va de pair avec quitter La Déesse Joyeuse. (Mais ça c’est une autre histoire que je te raconterai peut-être un jour… )

Quatrième tableau. La Réactionnaire essayait de convaincre La Sage du bien fondé de se débarrasser de tous les livres que je possède qui parlent ou qui ont été écrits par des autochtones. C’est à ce moment qu’un message de mon alliée/sœur de cœur est entré sur mon cellulaire. Je prévoyais le lire et y répondre une fois cette tempête traversée mais lorsque du coin de l’œil j’ai vu le sujet de son message, j’ai su qu’il n’y avait rien d’anodin dans ce timing… Elle me partageait un lien et en l’ouvrant j’arrivais sur ce produit :

Oui, ça allait dans le sens contraire de ce que ma Réactionnaire voulait faire. Elle voulait sortir tout ça de ma vie et non avoir ce genre de rappel. Mais le fait que ma complice de chemin de l’invisible m’envoyait ce message exactement à ce moment n’avait absolument rien d’anodin. J’ai donc entamé un échange de textos avec elle, lui partageant ce que je traversais et recevant compréhension et soutien à travers ses mots et son alliance.

Puis elle m’a partagé cette vidéo de Ernie Lapointe, l’arrière-petit-fils de Sitting Bull, en me suggérant fortement de l’écouter. Je me suis exécutée sans tarder et ça a été un point tournant important de ma tempête et pour ce qui allait suivre.

Dès le premier visionnement (parce que je l’ai écoutée plusieurs fois depuis et continue de le faire) une puissante émotion s’est déballée en moi et m’a aidé à voir plus clair.

Cinquième tableau. J’ai continué à écrire puis j’ai embarqué dans le jeu de ma Réactionnaire et l’ai laissée sortir de ma bibliothèque tout ce qu’elle désirait. On a fait une grosse pile puis j’ai pris les livres un à un en prenant le temps de sentir ce qui montait. Certains livres se sont ramassés dans une pile « à donner » mais la majorité sont retournés dans ma bibliothèque. Même processus de tri dans mon atelier.

Ce faisant, j’ai senti tout le potentiel et tout l’espace que j’étais en train de créer pour ma suite des choses, même si je ne savais pas exactement ce qu’elle serait.

Sixième et dernier tableau. J’ai soudain senti une urgence d’aller à la rencontre de mes alliés de l’Invisible. On m’y attendait avec de puissants messages qui ont remis mes pendules à l’heure. Tsé, le genre de messages que tu sens jusqu’au plus profond de tes cellules! Ça m’a aidé à comprendre ce que je venais de traverser et à me positionner différemment pour la suite. (Je te partage un peu plus bas un petit extrait de ce message.)

Suite à cette rencontre éclairante et à la paix qui s’est installée, ma Réactionnaire m’a saluée et est repartie, me laissant en tête à tête avec ma Chamane et ma Sage qui avaient toutes deux d’autres surprises pour moi.

Depuis, de nombreuses pistes et réponses se présentent à moi et m’aident à comprendre un peu mieux où je me situe tout en alimentant mes réflexions. Je sais bien que je n’ai pas fini de faire le tour de tout ça. D’ailleurs, je te laisse à la fin de ce billet, les lectures et visionnements qui se sont présentés à moi et qui ont alimenté mon introspection du dernier sept jours. Peut-être sens-tu toi aussi l’appel d’explorer ce dossier.

Pour aujourd’hui, je termine en te partageant une petite partie de ce message que j’ai reçu de l’Invisible. Il demandait à être partagé alors, s’il te parle, c’est qu’il s’adresse également à toi!

Rise up Sister.
Le temps n’est pas à t’écraser.
Libère-toi de ces carcans.
Continue à faire le ménage de ce qui a fait son temps.
Effectivement ça va te faire du bien.
Continue également à faire du ménage comme tu as fait sur ton Instagram.
Ça aussi ça va te faire du bien.
Et comme tu l’as partagé, la vie est un buffet, choisis ce que tu mets dans ton assiette!

Photo par
Suggestions pour aller plus loin dans nos réflexions :

Kuei, je te salue
Ce livre a atterri dans mes mains juste comme je sortais de ma tempête.
Rempli de pistes de réflexion et d’occasions de réévaluer notre rapport à l’autre et aux différences, je le recommande trrrrrrès chaudement. L’échange de correspondances entre Natasha Kanapé Fontaine et Deni Ellis Béchard rend cette lecture fluide et m’a donné l’impression d’être assise avec eux, à discuter et à voir avec les yeux de l’autre l’impact du racisme et comment il a teinté leurs expériences de vie. Ce livre est également riche en références, nous permettant ainsi de fouiller encore plus loin sur les points qui nous touchent.

Le Peuple Invisible, long métrage documentaire sorti en 2007 que, curieusement, je n’avais pas encore vu. Bien que la situation des Anishnabe de l’Abitibi s’est sensiblement améliorée depuis 2007, il est essentiel de comprendre les horreurs de la colonisation et de ses répercussions. Ce documentaire est un bon point de départ.

Série RAD. J’ai compilé dans cette liste de lecture YouTube cinq vidéos de la chaîne YouTube « RAD » qui ne sont pas très longues mais remplies elles aussi de pistes de réflexions importantes.

Cette liste de suggestions pourrait être beaucoup plus longue mais pour l’instant je m’arrête là. On s’en reparle si tu veux! De toute façon, je suis loin d’avoir fini mon voyage dans les méandres de ce chemin sinueux.

Constats et conclusion

Quels sont mes constats après ce grand remous? Le plus grand constat, que je connaissais déjà mais auquel je retouche avec des yeux différents, est que même si j’ai fait une bonne job d’auto-observation critique à savoir si j’étais dans l’appropriation ou non, même si l’ouverture, la curiosité et le respect de toutes les cultures dont les cultures et traditions autochtones font partie intrinsèque de qui je suis, même si dans mes veines coule autant de sang européens qu’autochtone, mon statut physique de femme blanche, avec tous les privilèges qui s’y rattachent, vient aussi avec la responsabilité de respirer un bon coup, de panser mes plaies et d’aller avec encore plus de curiosité, d’ouverture et d’écoute à la rencontre de l’autre.

Pour l’instant ce sera à travers la lecture, déjà que « Kuei, je te salue » m’a donné une énorme quantité de matière à digérer et à approfondir.

Il y aura aussi à prendre soin de ce qui se passe en moi et à faire la paix avec mon lien aux médecines de la Terre. Ce lien est puissamment ancré en moi depuis que je suis toute petite et je ne veux plus jamais le remettre en question…

À bientôt!

Mariepierre